Larmes sèches
La guerre qui gronde au dehors est abominable et sans pitié, je vous l’accorde. Mais la guerre qui se joue dans toutes ces familles, tapies et feutrées entre leurs quatre murs semblant tant protéger leurs hôtes, est toute aussi destructrice que bien des conflits. Ce récit relate une période de quelques mois. A peine une année. Comme si j’avais reçu en une année le concentré d’une vie de misère humaine et morale. Une année que ma mémoire sembla effacer. Quatre saisons de sentiments, de choses, d’émotions et de moments enlevés, que nulle part ailleurs dans le temps et dans le monde je ne pourrai retrouver, mais je rechercherai pourtant. En vain. C’est en ces événements marquants que le trouble m’a possédé le plus intensément, en ce sens que le temps ne peut s’y compter qu’avant et après, comme si l’émotion extrême d’une telle période ne pouvant s’accompagner d’aucun nom suspendait le temps. C’est cette émotion se jouant du temps que j’ai tenté de restituer. Je l’ai laissée revenir par la parole et le parler de l’enfant que j’étais, car si beaucoup de textes ont été écrits sur la violence conjugale, peu la disent avec la voix, le parler et la vision de l’enfant qui y est confronté. Didier Leuenberger, né en 1966 vit à Fribourg. Cuisinier diététicien, voyageur, il écrit et pratique la photographie.
